Quantcast
Channel: Le blog d'Aurélien TOURNIER » carnaval
Viewing all articles
Browse latest Browse all 3

Des milliers de personnes prises en flagrant délire

$
0
0

Tout a commencé là. Dès 11h près du vieux kiosque, aux sons doux, charmants et entraînants de la pizzika. Une danse italienne invitant à se laisser porter dans un autre univers. La synergie de plusieurs instruments, tel l’accordéon diatonique, le tambourin, la guitare ou plus simplement la voix, ont véritablement donné l’envie aux personnes présentes de se lâcher. Alors, toutes s’étaient mises à danser. D’un côté, les Français s’exerçant à cette noble danse. De l’autre, les trois musiciens de Corsano (de la région de Pouille). Le tempo était rapide, la danse était rythmée. Certes, il y a un pas de base mais facilement perceptible et intuitif. La tarentelle, c’est tout de même une grande part d’improvisation. Tel l’esprit du carnaval, non ?
Non, en fait, c’est pas vraiment là que ça a commencé. Comment dire… c’est plutôt dès le mois de septembre que la pression a commencé à monter. Oui, en fait, le début, c’est plutôt ça. L’objectif de la municipalité était de faire participer les Romanais le plus possible, avec la volonté de ne point présenter « un spectacle ficelé ». Et ces derniers l’ont bien compris. Le carnaval de Romans est un événement à vivre plutôt qu’à voir. Ainsi, depuis 6 mois, certains s’exerçaient aux échasses, à la tarentelle, à la confection de costumes, aux arts de la rue ou encore à celui du maquillage…
Non. En fait, tout a vraiment commencé quand il a dit ça. « Peuple de Romans, de la communauté de communes et de Génissieux réunis, je vous remet les clefs de la ville ». C’est par ces mots, prononcés par le premier magistrat de la ville Henri Bertholet, que tout a vraiment commencé.



Après tout si, ce dont on est sûr, c’est que ça a commencé à Romans. Quand exactement? Cette question importe peu. Ce que l’on retiendra au contraire, c’est l’engouement de la population. C’est ce cocktail de toutes les initiatives qui ont fait le succès de l’événement. Et qui a su donner à la ville, le temps d’une journée, cette ivresse de folie qui semblait couler à flot et contribuer à ce que des milliers de gens oublient leur train-train quotidien et se libèrent totalement.
Tout le monde dans le même panier
Dans les rangs des nombreux carnavaleux (près de 15 000 personnes cette année), le vent de folie était bien présent. Chacun était différent. Il y avait certes ceux qui se mêlaient au groupe, n’ayant participé aux ateliers proposés, et justement ces groupes défendant une certaine identité. On y repérait ainsi des associations telles que Tribalatam et ses tambours, Des balles ton cirque, les écoliers du quartier des Balmes, camouflés en planteurs de bananes qui s’exécutaient sur des airs endiablés du Brésil, les maisons de quartiers de la cité Romanaises déguisés en oiseaux, et bien d’autres encore.
Et puis, il y avait réellement un panier, réalisé par les élèves du lycée horticole de Romans. Au fil des semaines, la structure a pris forme. Pourquoi un panier? Tout simplement parce qu’il n’y a pas meilleur moyen pour symboliser le lien. Et les élèves de 4ème, 3ème et 2nde professionnelle ont réellement pris conscience de son sens lors des longues séances de tissage par exemple, lorsque appliqués, ils ont dû manier bambou et osier. Ce lien, ils l’ont aussi senti lorsqu’ils se sont rapprochés d’autres associations, pour participer ensemble à cet incontournable rendez-vous Romanais.
Multitude d’identités, mélange de genres : à Romans, le carnaval se vit en grand, et parfois en très grand. Depuis 1580, les festivités carnavalesques mettent la ville en émoi et en effervescence. Fort d’un tel succès, les participants redoublent de créativité et d’ingéniosité pour que la fête soit à nouveau une réussite. Camouflés derrière de sublimes masques ou habits de fortune, tout est fait pour que cette journée soit chaleureuse, synonyme de joie et de bonne humeur.


Et outre les personnes défilant à pied, il y avait comme d’habitude les chars réalisés avec beaucoup d’audace et d’imagination, tel l’éléphant monté sur une 2CV. Les marionnettes géantes semblaient venir d’un autre monde. C’étaient notamment elles qui, cette année, menaient cet étrange cortège. Ou comment désigner la dernière promenade du condamné. Comment l’appelle-t-on déjà celui-ci? Le Diable? Méphistophéles. Et celle-ci? Sa femme, la sensuelo-diabolissime Lilith. D’autres suivaient, elles venaient du monde entier, toutes invitées par le Diable et sa diablesse. En fait, c’était l’opposition entre le Nord et le Sud, entre les pays riches et les pays pauvres. Le procureur représentant le Nord (le démon), l’avocat du condamné, le Sud. Chaque géant était accompagné d’une association aux couleurs du pays ou du continent qu’il représentait.
Oui, l’histoire était celle-ci. Sa majesté Méphistophélès et son épouse Lilith ont convié, ce samedi 27 février 2010, les géants du monde à l’infernal jugement de l’épouvantable Caramantran. Autour d’eux, leurs chimères (les échassiers). Suit la cour impartiale, le détestable procureur Polichinelle, et le charitable avocat. Vient enfin le supplicié, montre gigantesque, grotesque et hideux, entravé et en cage. Autour de lui, ses bourreaux l’accusent et scandent les doléances. La lutte s’engage alors entre ceux désireux de le brûler et ceux qui ne veulent pas en faire un bouc émissaire.


Romanais, vos paroles ont compté !   
« Peuples de Romans, des alentours et des ailleurs », « Peuple des avenirs et des passés », vos doléances ne seront pas tombés dans les oreilles d’un sourd. Au contraire! Notre bon vieux Jacquemart, avocat du condamné n’aurait rien pu faire face à tant de reproches. Cette année, vous en avez eu assez d’en avoir plein les bottes, de ces enfants qui n’obéissent pas à leurs parents, du carnaval en hiver (que voulez-vous, le monde est mal fait!), des décisions ministérielles de privatisation et de démantèlement du service public, de voir M. le Président tous les jours à la télé… Dans vos chaussons, vous voudriez… un toit pour tous et plus de misère ; que le monde soit un jardin public ouvert à tous.
L’infâme Caramantran ayant été brûlé, ces vœux ont dû sans doute être exaucés. Ultime promenade pour un personnage accablé dans les rues du centre ancien, avant de rejoindre le bûcher.


Jacquemart, star incontestable de l’édition 2010
Cette année, il est descendu de sa tour. Non, les stars n’étaient ni le diable, ni sa femme, ni encore Caramantran. Symbole de la ville et du temps, ce grand personnage a osé prendre la défende du terrible accusé. Et il était bien accompagné. Fier de leur idôle, bon nombre de Romanais lui avaient enboîtés le pas. On observait ainsi toute une bande de Jacquemarteaux! Ou autrement dit, plein d’adultes et d’enfants, habillés du bicorne et vêtus du costume du volontaire dans l’armée en 1792. D’habitude, on ne voit ces habits d’aussi près. Ce jour-là, tout était permis.
Un final tout feu, tout flamme
« Caramantran brûlera-t-il? » Le vent aurait pu l’en empêcher, il est vrai. Mais aussi violent qu’il était, il a su a un certain moment se calmer. Le bourreau a profité de cette courte accalmie pour mettre le feu à l’hideux personnage. Non, il n’aura pas fait long feu. Les organisateurs avaient parlé d’une ambiance enflammée, cette promesse a bel et bien été tenue. La petite étincelle était bien là. Que dis-je! C’était bien chaud, dans tous les sens du terme. Dans un premier temps, les grandes marionnettes ont dansé aux sons idylliques de la harpe. Puis, les jongleurs ont occupé l’espace. Point de balles ou de ballons. Ils jouaient là avec du feu. Enfin, d’un seul coup, les yeux et la bouche de l’innommable et gerbatoire Caramantran prirent feu, avant que celui-ci ne se glisse dans toute l’installation cartonné. En quelques secondes, son destin fut à jamais brisé. Puis, place aux artificiers. Pour clôturer la funeste cérémonie, le ciel s’illumine lors d’un somptueux feu d’artifice.
Une organisation renforcée
Parce que le plaisir du spectateur doit prévaloir sur tout le reste, la Ville de Romans et plus particulièrement sa direction des affaires culturelles dirigée par Laurence Lopez, a renforcé ses effectifs pour le jour J. Ils étaient près de 55 agents communaux (volontaires) au moment de la crémation, à surveiller le public pour que tout se passe le mieux possible. Tout au long de la journée, ces gilets orange ou jaune ont occupé des postes bien différents : une « brigade » de 10 maquilleuses, des pousseurs de char, la sécurités, la logistique, le point Information, etc.
Sous les chapiteaux du village du carnaval, on s’affaire
Donner son sang, c’est agir pour la vie. La banderole apposé au-dessus du stand des donneurs de sang en disait beaucoup. Mais samedi, les donneurs de sang (déguisés pour l’occasion en globules rouges) agissaient surtout pour nos estomacs! Comme c’était aussi le cas chez l’association des Tunisiens ou à la PSR par exemple. Tous étaient là certes pour faire la fête, rassasier les carnavaliers ainsi que ramener quelques deniers dans leurs caisses respectives et mener à bien leurs activités. Ainsi, la Persévérante Sportive Romanaise essayait par ce biais de financer le voyage de leur équipe poussin pour un tournoi international à Barcelonne en avril prochain.
Des actes écologiques pour une édition durable
Depuis plusieurs années déjà, la ville édite ses supports de communication sur du papier recyclé. Cette fois-ci, elle est allé plus loin en mettant en place les verres « Ecocup ». Le principe est simple. Tous les verres mis à disposition pour les utilisateurs sont consignés : la caution s’élève à 1 euro. 
A tout moment, chaque utilisateur peut récupérer sa caution en rendant son verre à l’endroit prévu à cet effet. Il récupère alors 1 euro. Tout en œuvrant pour le développement durable, le geste qu’il a accompli ne lui a rien coûté. Certaines fois, l’utilisateur décide de garder son verre, en souvenir. Dans ce cas, il ne récupère pas de caution. L’organisateur l’encaisse alors définitivement.
En France, 80 % des biens vendus sont jetés après une seule utilisation. Ainsi, la Ville a souhaité cette année introduire une dimension « développement durable » en mettant en place ces gobelets. Qui plus est, étaient à l’effigie du carnaval 2010. En fin de carrière, le verre réutilisable trouve une seconde vie. Fondu, il est recyclé en cendriers de plage, en porte-verres, en grattoir à givre pour voiture… Comme quoi, on peut tout de même faire la fête tout en respectant l’environnement.

Le village du carnaval a clôturé l’édition…
… Ça commence là ou ça doit se terminer : là. Retour au village du carnaval place Jules Nadi. Où résonnent les sons des violons du Trad Band et les pas improvisés de la Tarentelle. Ils n’étaient plus des milliers mais plus que quelques centaines à fouler cette place. La nuit tombait, les ruelles se vidaient peu à peu. Seule une poignée d’irréductibles fêtards avait investi la place Jules Nadi et plus particulièrement les abords du kiosque. Tous se sont mis à danser. Ce n’était ni des cuivres, ni de bruyantes percussions. Mais pour autant, ils avaient leur public et les musiciens avaient cette même pêche et le même plaisir à les faire bouger.
On dit de la tarentelle que c’est une danse favorisant l’état de transe. Autrefois, on prétextait une piqûre de tarentule pour appeler un musicien et danser, danser… jusqu’à en tomber. La fièvre était bien là mais ce n’était pas la même. La fiève du samedi soir. Que dis-je?! La fièvre du Carnaval… Les comportements se déchaînent, les identités se démultiplient, l’ambiance est survoltée. On ne sait pas forcément la danser mais on y parvient quand même.


Dans cette ambiance presque familiale, on s’intéresse à l’autre, on discute. C’est clair et limpide à présent. Le carnaval, ce n’est pas seulement le personnage de Caramantran. C’est aussi lui l’échassier, elle la marionnette, lui le plasticien, elle aussi la petite fille déguisée. Ce n’est pas un mais plusieurs. C’est tout ça : un véritable et joyeux bordel. Oui, le carnaval de Romans. Tout a commencé là.
Une belle édition, menée de main de maître par la Cie Caramantran et la Ville de Romans. Mesdames et Messieurs, la fête est terminée. « Un jour de bonheur mais différent. » Oubliez ces ambiances survoltées, rangez vos  strass, masques et cotillons. Retour au train-train quotidien… et attendant vivement le délire de l’an prochain.

AURÉLIEN TOURNIER

Note de l’auteur : Dans notre édition du 25 février dernier, le journaliste Cyril Lehembre a fait un clin d’oeil au film de René Clément « Paris brûle-t-il? » tourné en 1966, dans son article « Caramantran brûlera-t-il? ». Vous avez donc sans doute remarqué ici le clin d’oeil au film « L’auberge espagnole », de Cédric Klapisch tourné en 2002 « Après tout si, c’est une question de décollage… Tout a commencé là ».


Viewing all articles
Browse latest Browse all 3

Latest Images

Trending Articles





Latest Images